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jeudi 21 juin 2018

Ukraine : L'enquête sur l'empoisonnement de Viktor Iouchtchenko


L'enquête visant à déterminer qui avait tenté d'empoisonner Viktor Iouchtchenko, alors opposant au pouvoir ukrainien pro-russe, semble avoir butté sur l'impossibilité à mettre en cause le voisin russe.


Un groupe spécial d'enquêteurs a été constitué en février 2005 au sein du parquet général ukrainien pour travailler sur cette affaire. Il est dirigé par une femme, Galina Kirinovitch, qui dispose de pouvoirs d'investigation étendus. Viktor Iouchtchenko lui a exprimé plusieurs fois toute sa confiance. Il lui a même prêté la Mercedes blindée de l'ex-président Léonid Koutchma, pour assurer sa protection

«L'enquête ne fut pas conduite comme il faut»
Oleg Ribatchouk fut l'un des plus proches collaborateurs de Viktor Iouchtchenko. En 2004, il était son directeur de campagne. Il s'est depuis éloigné. Lui aussi évoque le temps perdu, les hésitations des enquêteurs, comme si une partie d'entre eux poussait tandis que d'autres freinaient.
Il s'étonne par exemple de n'avoir été entendu que 4 ans après les faits : « J'étais le seul à travailler avec Viktor Iouchtchenko depuis 1992. J'étais un des plus proches de lui. Et pendant 4 ans, personne ne m'a interrogé ! » Selon lui, il n'y a jamais eu de demande, de la part de Viktor Iouchtchenko, de freiner les investigations : « Le président avait vraiment la volonté d'aboutir. Mais l'enquête ne fut pas conduite comme il faut ».

La version la plus couramment admise situe l'empoisonnement au 5 septembre 2004. C'est en effet le lendemain que le candidat a eu son premier malaise. La dioxine lui aurait été administrée lors d'un dîner dans la datcha de Volodymir Satsiuk, le chef-adjoint du SBU (les services secrets ukrainiens) , près de Kiev, et auquel participaient seulement trois autres personnes : le chef du SBU Ihor Smetchko, Viktor Iouchtchenko, et son ami David Jvania, un milliardaire qui avait organisé le rendez-vous, censé servir a s'assurer de la neutralité du SBU durant les élections. Dans les heures qui suivent le dîner, le foie, le tube digestif, le pancréas de Viktor Iouchtchenko sont touchés, et enfin la peau : son visage d se couvre de furoncles
Deux personnes sont officiellement recherchées : Ihor Smetchko et son ex-adjoint, Volodymir Satsiuk. Mais ils ne sont toujours pas mis en examen. Tous deux vivraient en Russie.

Si c'est le SBU qui est soupçonné d'avoir tenté d'assassiner le candidat de la révolution Orange, le FSB (successeur du KGB) n'est pas bien loin... Selon un ex-officier du SBU, les services de renseignement russe et ukrainien, alors «plus proches que les Etats-Unis et le Royaume-Uni», étaient reliés par «une ligne secrète directe».
L'Ukraine devenue indépendante en 1991 n'a pas purgé ses services d'espionnage : «Beaucoup d’agents du nouveau SBU venaient du 5e directorat de l'ancien KGB, et se sont concentrés sur l’élimination des dissidents politiques», explique un conseiller du président Porochenko au Wall Street Journal, cité par Slate.


Un traitement difficile et sur-mesure
Viktor Iouchtchenko avait dans le corps une dose de dioxine dix mille fois supérieure à la normale. Une quantité qui aurait dû être mortelle. La substance toxique s'est attaquée au foie, au pancréas et à la peau, provoquant des lésions cutanées sur tout le corps. Au pire moment, vers le printemps 2005, le président était complètement défiguré. Tout de suite après son empoisonnement, les médecins estimaient qu'il avait 70 % de chances de survie. Un mois plus tard, seulement 10 %. Son pronostic vital baissait tous les jours. Le président doit peut-être la vie au fait d'avoir vomi tout de suite après l'absorption. 
Le Dr Olga Bogomoletz, fut le médecin personnel de Viktor Iouchtchenko aussitôt après son empoisonnement. Cette dermatologue qui dirige une clinique privée à Kiev se souvient de la façon dont elle a eu à s'occuper du président : « Je ne connaissais pas Viktor Iouchtchenko. En décembre 2004 un confrère m'a demandé de recevoir une personne importante, sans me donner son identité. Viktor Iouchtchenko est venu et m'a demandé de rendre les lésions sur son visage moins visibles avant la cérémonie d'inauguration. Quelques semaines plus tard, il m'a demandé de devenir son médecin personnel. Je devais voyager avec lui, conduire son traitement quotidien, en accord avec un protocole établi par le professeur Saurat des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) qui a assuré la coordination du traitement par la suite. Je devais rendre compte des résultats et participer à la discussion entre tous les médecins travaillant sur son cas. J'ai fait cela jusqu'en octobre 2005 ».

Elle se souvient de la difficulté à combattre la contamination : « La dioxine créait une sorte de verrou dans les cellules graisseuses. Et à ce moment-là, personne n'avait d'antidote. Nous cherchions un moyen de briser ce verrou. Tout son corps était couvert de lésions qui semblaient vivre leur propre vie. Cela nous a pris du temps pour comprendre que ces lésions étaient en fait un moyen, pour son corps, d'éliminer la dioxine. »
Elle explique comment elle procédait pour limiter les effets du poison : « Je pratiquais sur lui de petites interventions chirurgicales, jusqu'à deux par jour, ce qui fait qu'il avait parfois 10 ou 20 petites plaies, recouvertes d'un bandage. À certains moments, il souffrait beaucoup, mais je ne l'ai pas une fois entendu se plaindre. Sa constitution solide lui a permis de survivre. Il a perdu 10 ou 15 kg. La douleur a duré environ 6 mois. Puis son état s'est amélioré. Ensuite, il s'est trouvé obligé de s'habituer à son nouveau visage. Il l'a fait sans psychothérapie. Tout seul. »
Le professeur Saurat a relevé le courage extraordinaire de Viktor Iouchtchenko, aujourd'hui en bonne santé. Il a subi pas moins de 25 opérations sous anesthésie complète en trois ans, en majorité à Genève, sans cesser de travailler. En décembre 2005, trois jours après une lourde opération, il s'était rendu en Irak pour saluer les troupes ukrainiennes.

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