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mercredi 30 juillet 2025

Afrique: L'origine occulte des griots

© Clemens / AFP

En 2020 Mory Kanté nous quittait à l'âge de 70 ans. Hospitalisé à Conakry, Mory Kanté meurt précisément le 22 mai 2020. Sa mort est annoncée à l'AFP par son fils Balla Kanté.
Mory Kanté, né le 29 mars 1950 à Albadaria (Guinée française) et mort le 22 mai 2020 à Conakry (Guinée), est un chanteur et musicien guinéen. Il est principalement connu pour son tube Yéké yéké en 1987.
La famille Kanté est une célèbre famille de griots, des poètes, chanteurs, historiens et journalistes à la fois, véritables mémoires vivantes dont le rôle est depuis la nuit des temps de conter en musique les épopées sans fins des familles et des peuples. Les parents de Mory sont tous les deux griots, fonction héréditaire, et son grand-père maternel était un puissant chef de griots à la tête d'une soixantaine d'entre eux. 
Élevé d'abord par sa mère malienne Fatouma Kamissoko, Mory va à l'école française. À 7 ans, sa famille l'envoie à Bamako, capitale du Mali, chez sa tante, Maman Ba Kamissoko, autre célèbre griote. Jusqu'à 15 ans environ, il est initié aux rituels traditionnels, au chant et au balafon (instrument mélodique à percussion).






Le griot et son talent de chant
Les légendes et les mythes explicatifs de l'origine de la fonction de griot sont très nombreux dans tout l'ouest africain, mais on y trouve toujours un thème constant : celui d'une alliance contractée avec un personnage puissant, roi ou génie et très souvent le prophète Mahomet lui-même. Cette alliance implique toujours une obligation de service de la part du griot. 

Chez les Peuls on raconte l'histoire de deux frères qui cheminaient dans une région totalement dépourvue de gibier. Alors qu'ils allaient mourir de faim, l'un d'eux trancha son mollet, le fit cuire et l'offrit à son frère. L'autre en apprenant la provenance de la viande qu'il venait de manger fit vœu de chanter sans cesse les louanges de son frère qui s'était sacrifié et il devint ainsi l'ancêtre des griots, de ceux qui ont pour profession de louanger. 

Pour beaucoup de peuples musulmans, Surakata, l'ancêtre des griots, était un guerrier redoutable qui, à la Mekke, combattait contre le prophète Mahomet. Au cours d'une bataille, alors qu'il se trouvait face à celui-ci, il leva son sabre mais son bras fut retenu par une force invisible. Alors il se convertit à l'Islam et fit voeu de chanter sans cesse les louanges du prophète qui l'avait désarmé par sa seule force spirituelle.
Dans d'autres récits, Surakata boit le sang du prophète blessé à la jambe pour que celui-ci ne soit pas répandu sur la terre.

Le thème du sang versé est très fréquent dans les récits d'origine des griots. En effet, le sang versé ou la chair consommée sont un symbole universel d'alliance. D'ailleurs le mot "dioli" qui signifie griot dans les langues mandingues (bambara, malinké, dyoula) est aussi 'le terme qui désigne le sang. Il y a une forte insistance chez les griots à rappeler que leur fonction résulte d’un libre choix de leur ancêtre et n'est pas l'effet d'une contrainte sociale.


Le griot et ses instruments
Si l'origine des griots est liée la plupart du temps à une alliance contractée dans l'histoire avec un grand personnage [...], l'origine des instruments de musique qu'ils utilisent est liée, elle, au monde des génies.
Un mythe malinké raconte que le roi Soundiata avait combattu les génies de l'eau et leur avait dérobé un xylophone. Il interdisait à toute personne d'en jouer. L'ancêtre des griots trouvant le xylophone se mit à en jouer malgré cette interdiction. Le roi l'entendit et revint en hâte pour le tuer. Alors le griot eu l'idée d'accompagner sa musique d'un chant à la gloire du roi. Cela fut agréable à ce dernier. Il épargna le griot et lui offrit même le xylophone.

Selon d'autres récits enregistrés chez des peuples plus islamisés, les génies auraient été sollicités par le prophète Mahomet, alors que celui-ci assiégeait la ville de Kerbala. Ils auraient distribué aux griots, compagnons du prophète, une douzaine d'instruments de musique et ceux-ci auraient joué plusieurs jours de suite. Les habitants de la ville se seraient ensuite querellés pour identifier les instruments qu'ils entendaient. La discorde se serait ainsi installée parmi eux et l'armée du prophète aurait profité de leurs
divisions pour envahir la ville et les vaincre.

L'origine surnaturelle des instruments de musique avec lesquels les griots accompagnent leurs chants entre aussi pour une part importante dans l'aura de mystère et de crainte qui les entoure.
Les griots utilisent surtout les instruments à cordes, même s'ils sont assez souvent accompagnés dans leurs prestations par toute une équipe de musiciens qui battent les tambour et utilisent quelquefois des instruments à vent. Les griots s'accompagnent essentiellement de deux instruments, le Xalam et la Kora qui sont des instruments très personnels que les griots se transmettent de père en fils et qui sont chargés de valeur symbolique.
  • Le xallam est une petite guitare à cinq cordes. Le xallam sert surtout à accompagner des récits épiques chantés à voix rauque et légèrement assourdie. 
  • La kora, sorte de harpe-luth de 21 cordes qui comporte une caisse de résonnance formée d'une demi calebasse de grande taille percée à l'arrière d'un orifice circulaire. La kora est un instrument de grande musicalité qui accompagne très bien les chants à deux voix. Son registre très large de tonalité en fait un instrument très prisé dans la musique de variété contemporaine. Des compositeurs comme Lamine Konté ont contribué à rendre la Kora plus familière au grand public, grâce en particulier à la musique de "Finye", le vent, film du malien Souleyman Cisse, primé au dernier festival de Carthage. Ou encore plus récemment la chanteuse Jain avec Abdoulaye Kouyaté à la Kora. Ci-dessous le clip musical où les musiciens de Jain arborent des masques mystiques:

Si tous les griots sont musiciens, tous les musiciens ne sont pas griots. La langue soninké fait la distinction entre plusieurs catégories de griots. 
  • Le geseru est le griot des rois et des chefs, celui qui connaît l'histoire des clans nobles depuis leurs origines et qui est un peu la mémoire vivante du groupe. Certains gesere (1) jouissent d'un très grand prestige qui va bien au delà des frontières de leur pays natal.
  • Le dyaru est un griot de statut inférieur qui a plus une fonction de laudateur et d'intercesseur que d'historien. Les griots sont en effet amenés à jouer souvent un rôle de porte-parole entre les clans dominants. Dans les manifestations publiques ils précèdent souvent les rois et s'adressent en leur nom aux différents invités. Ils sont quelquefois amenés à jouer un rôle de négociateur entre deux parties en conflit. Les bambaade enfin sont de simples musiciens et chanteurs qui aident le geseru dans les grandes manifestations et reçoivent en récompense une partie de l'argent qu'il a pu récolter.
La fonction de griot est largement féminisée. Beaucoup de griots chantent des récits à deux voix en accompagnement avec leur épouse. Mais les femmes jouent plutôt un rôle complémentaire et n'utilisent que rarement les instruments de musique. Elles s'adressent surtout aux femmes des clans nobles à qui elles rappellent les hauts faits de leurs ancêtres.

Tellement de similitudes avec les Troubadours du Moyen-Age et leur mandoline ... Mais aussi le Joueur de Pipeau (Joueur de Flûte de Hamelin) ou encore Apollon, dieu démoniaque de la musique et du chant.

Troubadour


sources:
Barou Jacques. Les griots et l'immigration africaine. In: Migrants formation, n°55, décembre 1983. Dossier musique ; Dossier immigrés africains. pp. 58-62.





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